On ne sait pas
qui meurt.
On apprend qu’une embarcation
contenant
{ transportant
65 migrants
d’origine sub-saharienne
a chaviré entre Ceuta
et Algesiras
qu’il n’y a eu
aucun survivant
on imagine la barque qui
se retourne :
la nouvelle
a l’air de concerner
l’embarcation de fortune
le zodiac trop léger
le plastique
ou le bois
de la coque
le défaut de fabrication
la panne de moteur
l’objet — des années
que le nom de celles et ceux qui meurent en risquant le passage
est gommé par un chiffre,
65,
24,
48,
morts
sommaires
de migrants —
parfois,
note de bas de page
post-scriptum
15 enfants
dont 2 en bas âge.
On ne sait pas
qui disparaît,
ce que signifie
« disparaissent »
si la mort est
le pays où ils sont renvoyés
à qui appartiennent, derrière
ces cagoules,
les visages — ceux qui frappent
sont aussi, d’une autre façon,
effacés —,
de qui
viennent les ordres ni
si des ordres sont donnés
et comment rendre,
en langue française,
« pushback » :
assaillants empêchés de débarquer,
refoulés ou
repoussés
vers la mer,
expulsions qui ont désormais lieu
avant que la suppliante ait pu mettre pied
à terre, sol
et raison
qui se dérobent ; ils disparaissent, ainsi, avant
d’être apparus, corps réexpédiés par les portes dérobées
de l’Europe, ligne de front
posée sur
l’horizon
détruit ; la perspective
conduit par chacun de ses points
au cimetière marin
aux rêveries génocidaires
aux camps
à l’abandon des enfants en forêt
dont parlent les contes.
C’est ainsi
que l’Europe se prépare.
Athènes, 10 octobre 2021
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[en] https://www.lighthousereports.nl/investigation/unmasking-europes-shadow-armies/